Sang de cochon by Sylvain Johnson

Auteur:Sylvain Johnson [Johnson, Sylvain]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Québec
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

Dimanche 28 septembre

Le lieutenant Bruce Paris avait les yeux clos et sa tête reposait sur l’une des mains de Judith. Drapée dans ses couvertures, elle paraissait si mince et si fragile. Il avait placé une chaise à côté du lit pour s’y installer. Il était près de cinq heures du matin. Une lune blafarde illuminait le ciel.

Dès sa déposition signée par ses collègues, Paris avait précipitamment quitté le sous-bois et la cour d’école. Il avait judicieusement évité de croiser l’inspecteur-chef, qui finirait par vouloir lui parler. Il s’était retrouvé dans sa voiture, le visage de Guilbert imprégné sur sa rétine, presque convaincu que l’enfant démon surgirait de la banquette arrière pour lui sauter dessus. Le chauffage à fond pour lutter contre ses tremblements, il avait roulé plusieurs heures, sans cesser de jeter des coups d’œil dans son rétroviseur. Il s’était finalement arrêté dans le stationnement bondé d’un immeuble résidentiel pour fouiller la banquette arrière et le coffre. La peur de cette chose lui nouait l’estomac.

Dès son siège réintégré, il avait placé son arme sur ses genoux, puis fermé le nouveau téléphone cellulaire récupéré

sang de cochon

au poste et qui ne tarderait pas à sonner. Si Paris avait hésité à s’approprier un des téléphones mis à la disposition des agents, son instinct lui avait dicté d’en prendre un, juste au cas. Rondeau finirait par essayer de le joindre pour discuter des évènements de la veille, tout comme les sbires du Service des enquêtes internes et ses confrères du poste de police. Ces derniers voudraient s’assurer qu’il allait bien et lui offrir leur aide. Nul doute que la mort de Guilbert et les circonstances entourant son décès soulèveraient des questions auxquelles il serait difficile de répondre.

Ses problèmes ne faisaient que commencer.

Bien que froide et osseuse, la main de Judith lui apportait un grand réconfort. Malgré l’infortune qui l’avait clouée dans ce lit, elle demeurait l’amour de sa vie, sa raison d’être, et la culpabilité de Paris n’en était que décuplée.

Jusqu’à maintenant.

Il voyait maintenant les choses d’un œil nouveau. Le chant de cet oiseau nocturne ainsi que l’attitude de Guilbert et de Judith dès qu’ils l’avaient entendu venaient changer la donne. Peut-être n’était-il pas entièrement responsable de ce qui était arrivé. Paris se redressa, la main fragile toujours dans les siennes. Il observa le visage angélique, amaigri et tant aimé de sa compagne. Elle était destinée à mourir ainsi, dans cet état comateux. La vérité pourrait fort bien disparaître avec elle, dans le néant de l’oubli.

Le lieutenant approcha son visage de celui de sa compagne pour déposer un baiser sur son front, puis sa joue. Il se leva ensuite, fixant le jour naissant qui illuminait maintenant 276

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le stationnement où une voiture noire, une berline, se garait tout près de la sienne.

— Je t’aime, mon amour…

Elle lui répondit de son silence permanent, et il ne put s’empêcher de lui passer une main dans les cheveux. Il sentit alors un regard peser sur lui et jeta un coup d’œil dans son dos au moment où une des infirmières s’éloignait de la porte entrouverte.

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